Littérature interactive anglophone
Récemment, notamment à la suite de la récente traduction de Cactus Blue Motel, des personnes m'ont demandé si j'avais d'autres livres-jeux en langue anglaise à leur conseiller.
Et là, mon cerveau a disjoncté.
Pas parce que la question était mauvaise, mais parce qu'elle l'obligeait à traiter beaucoup trop d'informations d'un coup, le forçait à faire le tri parmi une galaxie d'œuvres extrêmement diverses grossièrement regroupées sous l'étiquette fort générique de « littérature interactive ».
Car, en effet, des ouvrages anglophones se réclamant de ce genre, il y en a un nombre non négligeable. Petit état de l'art.
À la mode de chez nous
L'équivalent le plus direct du prix Yaztromo, le concours qui fait vivre ce même site et alimente la flamme de la communauté francophone dans son ensemble, serait sans doute, à moindre échelle, le prix Windhammer, historiquement célèbre pour le rigorisme de ces règles. Même s'il a depuis connu quelques assouplissements, originellement toutes les œuvres devaient tenir en un PDF noir et blanc non illustré de 100 sections et de 25 000 mots (ou moins).
En dépit de (ou peut-être grâce à) ces contraintes, ce concours a vu la naissance de quelques titres fort intéressants, comme Castle Fekenstein ou encore Pêledgathol - The Last Fortress. Et probablement d'autres, mais je n'ai pas tout lu. Un problème récurrent comme cela deviendra encore plus évident par la suite.
Dans cette même lignée de descendants directs des Livres dont Vous êtes le Héros, on trouve également le Fighting Fantasy Project, les Fighting Fantasy AMATEUR ADVENTURES et la Fighting Fantazine.
Le premier renferme des adaptations numériques fidèles à l'extrême (avec dés numériques) d'AVH anglophones, souvent inspirées des DFs, mais avec quelques exceptions notables, et qui ont toutes commencées leur vie dans un format pseudo-papier. Les originaux sont d'ailleurs aussi disponibles sur le site.
Il y a du bon et du moins bon, du pur dungeon-crawl à des œuvres plus indéfinissables. L'absence de réel système de classement intégré au site force cependant à compter sur des recommandations externes ou à tenter sa chance.
Le second est similaire, mais les aventures sont moins nombreuses et uniquement sous forme de PDF. Elles ont cependant le maigre atout d'être hébergées directement sur le site officiel de la marque.
Le dernier regroupe une série de fanzines papier (comprendre encore une fois « PDF ») plutôt récentes, le dernier exemplaire en date ayant été publié en mai dernier, chacune accompagnée de son simili-DF d'environ 100 sections.
Là, pour une fois, je les ai presque toutes lues ou survolées, et j'ai malheureusement enchaîné les déceptions. Des DFs basiques, courts, souvent pas très bien écrits et médiocrement illustrés, sans réel intérêt que ce soit au niveau de l'histoire ou du jeu malgré des concepts qui avaient parfois un énorme potentiel.
Une partie des titres disponibles sur ces deux sites a été traduite en français et est disponible gratuitement, principalement via la collection Chroniques de Titan.
Les héritiers du papier
Mettons maintenant un pied en-dehors de notre zone de confort, tout en y laissant l'autre fermement ancré.
Tin Man Games et inkle sont relativement connus par ici car ils ont contribué aux adaptations numériques des Défis Fantastiques et de Sorcellerie !.
Ce qui semble moins l'être, c'est que si leurs premiers essais singeaient le papier au maximum, avec dés virtuels et animations de pages qui se tournent, ces deux groupes se sont peu à peu détachés du carcan de l'adaptation ultra-fidèle, évoluant vers une interface plus adaptée au support ainsi que des fonctionnalités inédites, notamment en terme de liberté d'action, de gestion du hasard, de construction de la narration. Et ont aussi commencé à développer leurs propres titres, dont certains s'éloignent encore plus du modèle initial.
Je n'ai encore rien lu de leur renouveau moderne, aussi ne puis-je dire donner d'avis sur ces œuvres à titre personnel. Cependant, tous les témoignages, y compris ceux recueillis pour le présent article, s'accordent sur leur grande valeur ajoutée. Et 80 days de inkle peut s'enorgueillir d'une sacrée collection de récompenses. Je leur accorde donc un peu plus que le bénéfice du doute.
Également, s'il fallait historiquement une tablette ou une téléphone moderne, parfois même d'une marque précise, leurs différentes productions ont depuis été portées sur PC et sont disponibles partout via les habituels revendeurs de jeux vidéo dématérialisés.
En boutique
Parce que oui, la littérature numérique est encore en vente.
Sur le net. En dématérialisé. Section jeu vidéo.
Ainsi, sur Steam, on a pas moins de trois catégories qui correspondent assez directement à ce genre : Interactive Fiction, Text-Based et Choose Your Own Adventure.
Sur l'équivalent indie de Steam, itch.io, c'est un peu la même chose avec Interactive Fiction et Text Based (ainsi qu'une multitude de variantes auxquelles ne sont associées qu'une poignée de titres).
Et encore, là, je vous ai passé les Visual Novels et certains jeux très verbeux plutôt catégorisés en RPG mais qui pourraient rentrer dans les cases selon votre définition exacte du genre.
Une omission volontaire et totalement arbitraire, dans le vain espoir de raccourcir un peu cet article. Mais même avec une coupe franche pareille, il reste énormément de titres.
En fait, on est même dans le problème classique du jeu vidéo moderne. Des dizaines, des centaines, des milliers de titres, tous immédiatement disponibles par la magie de l'Internet. La vraie difficulté n'est cette fois plus de trouver des œuvres potentiellement intéressantes, mais d'extraire de cette multitude celles qui le sont réellement. Tant d'offre, si peu de temps (et d'argent).
Pour nous aider, la moins pire des solutions faciles est encore de trier par rapport aux notes attribuées par les utilisateurs (Steam, itch.io). En première approche, de ce que je reconnais, ce n'est pas si mal (Va-11 Hall-A est très bien par exemple).
Pour aller plus loin, il faut prendre son courage à demain et plonger dans ce nouvel océan. Et vous savez quoi ? Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.
La production « amateure »
La littérature interactive numérique a existé bien avant les plate-formes de diffusion évoquées ci-dessus, via sa propre galaxie de sites.
Celui de référence est l'Interactive Fiction Database, qui est un peu le Littéraction de l'interactive fiction. Ne vous faites pas avoir, s'il arbore un style graphique qui pourrait faire croire qu'il est à l'abandon depuis bien dix ans, et souffre de lenteurs telles que j'ai bien cru qu'il avait planté à plusieurs reprises, il est bien actif et même central.
Il faut savoir que ce site a d'abord été consacré aux jeux à interpréteur (parser en anglais), c'est-à-dire les jeux où il faut écrire « go north », « open door with red key » et autres commandes similaires dans une console pour progresser. Un genre qui n'est pas vraiment représenté en ces lieux, qui tourne plutôt autour de la littérature à choix, à base de listes d'options explicites.
Il s'est depuis ouvert à tous les types de littérature interactive, mais l'organisation du site ne le reflète pas bien. Pour votre confort, voici donc les liens directs des sous-listes dédiées aux jeux « à clic » auxquels nous sommes plus volontiers habitués, dissimulés sous les labels CYOA et Twine.
À noter que le classement par popularité est un peu faussé par le fait qu'il ne prenne pas réellement en compte le nombre de personnes ayant donné leur avis, faisant qu'un 5/5 comme unique note d'une seule personne vaut plus que cent notes allant de 4/5 à 5/5. Mais c'est toujours mieux que rien.
La production actuelle est quant à elle soutenue par une véritable avalanche de concours, parmi lesquels l'IFComp semble le plus populaire. Pour donner un ordre de grandeur, 58 titres ont participé à son édition 2016, soit de quatre à cinq fois plus que ce qui concourre à un prix Yaztromo moyen.
Cette communauté a aussi son wiki dédié, qui s'ouvre en ce moment par une citation disant qu'il est bien difficile de s'y retrouver dans tout cela, ce que j'approuve totalement
Vous aussi, vous êtes complètement perdus ? Rien de plus normal. L'immensité de ce qui constitue la littérature interactive dans le monde anglophone donne le vertige.
Et pourtant, c'est logique. Regardez autour de vous. Littéraction, qui est quand même un site très spécialisé, ne faisant presque que du PDF à l'ancienne, en français uniquement, aligne à ce jour quelque chose comme 250 ouvrages, dont certains bien épais (pour donner un exemple, Fleurir en hiver, grand gagnant de 2015, c'est cent-vingt mille mots, soit un gros roman).
En passant à la langue la plus parlée au monde, en se montrant plus flexible sur le format, il n'y a rien d'étonnant à voir ce nombre agrémenté d'un zéro supplémentaire. Et donc, de perdre pied.
Appréhender l'infini
Tout cela est bien beau, mais ne rien lire sous prétexte qu'il y a trop de choses à lire serait d'une rare absurdité.
Alors, plutôt que s'intéresser à tout ce qui existe, il est souvent préférable, même si un peu injuste, de se réduire à une sous-section des ensembles précédents.
Une première solution est de se fier à des tiers de confiance qui prennent sur eux de plonger dans cette immensité pour en extraire les perles. C'est ce que nous faisons tous et toutes au final, via le crédit que nous accordons aux journalistes et critiques, professionnels ou non. Par exemple, les articles de Rock Paper Shotgun, de JayIsGames et d'Emily Short sont souvent intéressants, mettant en valeur des titres dont je n'aurais pas entendu parler autrement.
Suivre les concours est aussi une possibilité. J'ai pu ironiser sur le nombre absurde de concours anglophones, un même texte pouvant de plus parfois participer à plusieurs d'entre eux la même année. Mais je suis le premier à reconnaître leur cruciale importance, aussi bien pour les lecteurs que pour les auteurs. Ils permettent à quelques dizaines de titres d'exister pour un temps hors de la masse, dans un microcosme particulier où ils n'ont pas d'autre concurrence, et aux gagnants de gagner une aura durable qui leur permettra de survivre plus aisément dans le vaste monde.
Mon entrée en la matière personnelle aura d'ailleurs été de lire tous les titres de l'IFComp 2016. Une expérience intéressante même si chronophage. Au lecteur intéressé mais plus pressé, je conseillerais plutôt de se limiter au 3/5/10 premiers, qui en général n'ont pas atteint cette place sans raison.
Enfin, il reste toujours les contributions de la communauté, les recommandations, personnalisées ou génériques, les descriptions additionnels et les compléments d'informations, qui se révèlent via les notes sur les sites marchands, les messages sur les forums et les réseaux sociaux, les commentaires sous les articles.
Et qui contribueront je l'espère à enrichir ce même tour d'horizon partiel.
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lun, 28/10/2024 - 08:40
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